Les ultra-sionistes attaquent.

Adepte des opérations coups de poing, la Ligue de Défense juive, groupuscule radical, trouble la communauté en s'en prenant aux juifs qui ne défendent pas Israël.

Manifestation à Paris, rue des Rosiers, en juillet 2010. (Philippe Huynh Minh-Maxppp)

Manifestation à Paris, rue des Rosiers, en juillet 2010. (Philippe Huynh Minh-Maxppp)

Le 5 juillet dernier, Jacob Cohen, auteur juif anti-sioniste de 68 ans (1), se rend au métro Saint-Paul à Paris pour un rendez-vous avec la presse. Une jeune femme l'attend, le conduit dans une ruelle. Trois hommes surgissent, bombardent l'écrivain de peinture à l'huile rouge. La scène filmée est mise en ligne sur le site de la Ligue de Défense juive (LDJ), titrée : "La LDJ rend visite au kapo Jacob Cohen".

En juin, c'est Olivia Zemor, présidente de la Capjpo-Euro Palestine (Coordination des Appels pour une Paix juste au Proche-Orient), qui avait été victime des mêmes agissements. Un guet-apens, la peinture rouge, la vidéo. Et deux heures de douche aux urgences de l'Hôtel-Dieu.

Ainsi les militants de la LDJ croient-ils lutter contre l'antisémitisme. A coups de peinture, de casques et de barres de fer, aux cris de " Israël vivra, Israël vaincra", ils se prennent pour les défenseurs du peuple juif. On les voit dans les manifestations, quelques dizaines d'individus, une poignée d'adultes pour un troupeau de jeunes, vaguement entraînés au krav maga, une technique de combat utilisée par l'armée israélienne.

La LDJ s'affiche à l'extrême-droite des instances représentatives juives

Créée en France au début des années 2000 par Pierre Lurçat, ancien du Betar, un mouvement de jeunesse juif radical et sioniste, la LDJ s'affiche à l'extrême-droite des instances représentatives juives. Dans son livre "Intifada française ?", Marc Hecker, chercheur à l'Institut français des Relations internationales (Ifri), en dit plus sur l'inspiration de la milice ultra-sioniste en France : "Le symbole de la LDJ, un poing jaune dans une étoile de David noire, est le même que celui des mouvements Kach et Kahane Haï." Des partis racistes qui, "avant leur interdiction en Israël, prônaient le transfert total des Palestiniens vers la Jordanie, et la condamnation à la prison ferme pour tout Arabe ayant une relation sexuelle avec une femme juive", indique le spécialiste.

Avec de telles références idéologiques, la LDJ gêne certaines instances représentatives de la communauté juive en France. Pas toutes. Pour Claude Barouch, vice-président de l'Union des Patrons et Professionnels juifs de France, "le combat de la LDJ est le même que le nôtre, seules les méthodes diffèrent. Ce qu'ils ont fait récemment, ce sont des bêtises de bébés de 5 ans".

Ils poignardent un commissaire en 2002

Des bébés qui, en 2011, appelaient sur le site de la LDJ à un "voyage en Judée-Samarie", réservé aux jeunes "avec une expérience militaire". Des bébés qui poignardent un commissaire en 2002 dans une manifestation organisée par le Conseil représentatif des Institutions juives de France (Crif), saccagent des librairies, attaquent un cinéma diffusant un film intitulé "Gaza- Strophe". Ou s'en prennent à des militants pro-palestiniens dans l'enceinte d'un tribunal. De nombreuses agressions, mais lors des procès "il y a toujours le même a priori en faveur des jeunes de la LDJ, s'insurge Dominique Cochain, avocate d'Olivia Zemor. Certains de ses membre sont plusieurs fois été condamnés à des peines de sursis, mais grâce à un système bien rodé, les affaires les plus récentes étant jugées d'abord, la révocation du sursis pour les faits antérieurs est rendue impossible".

La LDJ reste donc une épine dans le pied du Crif, qui prône plus le dialogue que le coup de poing. S'il est vrai que son président Richard Prasquier "condamne toutes les actions de la LDJ" et s'affirme "honteux de voir ainsi exprimées les valeurs du sionisme", il ne demande pas son interdiction. De nombreux députés et organisations antiracistes la réclament pourtant depuis des années aux autorités. Au même titre que la Tribu Ka avait été dissoute en 2006, et Forsane Alizza en 2012, ils exigent la fin de la LDJ.

Au ministère de l'Intérieur, silence radio, "le ministre n'a pas pris position". Côté police : le sujet est si "sensible" qu'on ne donne "aucun renseignement". Si ce n'est ceux disponibles sur Wikipédia .

(1) Il a écrit "le Printemps des sayanim" aux Editions L'Harmattan.

Lou Chapiteau et Elsa Vigoureux - Le Nouvel Observateur

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