Tournantes : «Un naufrage judiciaire».

11 octobre 2012

Dix acquittements et quatre condamnations ont été prononcées au procès des tournantes de Fontenay-sous-Bois.

Nina et Stéphanie (1), deux jeunes femmes aux   «vies fracassées»   ont vécu comme   «un naufrage judiciaire»   le procès des tournantes de Fontenay-sous-Bois qui s'est soldé dans la nuit de mercredi à jeudi par dix acquittements et quatre condamnations de trois ans avec sursis à un an de prison ferme, plus de dix ans après les faits sordides qu'elles ont dénoncés.

C'était une journée ordinaire au cours des trois semaines qu'ont duré les débats : Nina, 29 ans, quitte le huis clos de la salle d'audience en trombe et en pleurs. Stéphanie, 28 ans, est hospitalisée depuis le week-end après une tentative de suicide.

Les débats sont centrés sur le témoignage de Nina. Malmenée par la défense qui cherche à souligner les contradictions de son récit, elle craque :   «Je ne suis pas folle, ça m'énerve, je pète les plombs, je veux qu'on me laisse tranquille» , implore-t-elle, entourée de ses avocates. La scène se reproduira ad nauseam , quasi quotidiennement durant toute la durée des débats.

Jeudi, au moment du verdict vers 1h30, les deux jeunes femmes étaient absentes du tribunal de Créteil où ont été jugées les 14 personnes accusées de les avoir contraintes à des viols collectifs dans les cités de Fontenay-sous-Bois entre 1999 et 2001.  «Elles vont mal» , avait dit la veille, leur avocate, Me Clotilde Lepetit , regrettant qu'il n'y ait eu   «aucune reconnaissance de la parole des victimes». «C'est un naufrage judiciaire pour les femmes» , selon elle.

Alcool, drogues et tentatives de suicide pour l'une, viols par des proches, agression et mort de sa belle-mère dans un meurtre pour l'autre: les deux jeunes femmes ont eu dès l'adolescence, des destins chaotiques.

La mère de Nina a décrit aux enquêteurs une fillette enjouée et bonne élève, aimant la lecture, devenue à l'adolescence, après une violente agression au domicile familial, une jeune fille   «incontrôlable, agressive, violente».

Elles « ont des vies fracassées. Ce n'est pas le bon procès, la vraie difficulté est là» , a commenté Me Clarisse Serre, l'une des avocates de la défense.

«Consentantes»   selon les accusés, les deux jeunes femmes avaient au contraire, déclaré aux enquêteurs avoir eu le sentiment d'être   «prises pour de la viande» lors des faits sordides qu'elles avaient dénoncés après avoir gardé le silence pendant plusieurs années.

Sans argent pour déménager de son quartier, Nina souffrant aujourd'hui d'obésité et constamment vêtue d'un pantalon de jogging, n'avait jamais porté plainte par peur des répresailles , un expert médico-judiciaire de Créteil notant par ailleurs un certain fatalisme de sa part et son   «épuisement psychologique».

Moins exposée médiatiquement que Nina, Stéphanie, petite femme aux cheveux tirés et à l'allure passe-partout, mère de trois fillettes, a été absente dix jours du procès après une tentative de suicide. Elle avait déjà déposé une plainte pour viol en 1999 à Nanterre, classée sans suite.  «C'est flou, c'est loin. Il y a des choses dont on ne peut pas se souvenir. J'attends juste que justice soit faite» , avait-elle confié lundi.

(1) Le prénom a été changé

 

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