NOUVELOBS.COM | 28.01.04 | 17 :37

L'ex-adjudant Roussel fait-il peur aux médias audio-visuels ?

En dehors d'une seule radio, l'ex-directeur d'enquête de l'affaire Alègre, auteur d'un livre qui s'annonce à succès, n'a jusqu'à présent eu droit qu'à des émissions enregistrées ou carrément décommandées.

Le désormais célèbre adjudant Michel Roussel, ex-directeur d'enquête de l'affaire Alègre et auteur d'un livre -"Homicide 31, Au cœur de l'affaire Alègre, l'ex-directeur d'enquête parle" (collection Impact, Denoël éditeur)- qui vient de sortir dans les librairies, a droit à un traitement disons "particulier" et particulièrement précautionneux de la part des médias audiovisuels. Depuis que son ouvrage est sorti, il n'a, en tout et pour tout, été invité qu'une seule fois dans une émission diffusée en direct : c'était lundi de 8h30 à 9h00 dans la tranche animée par Jean-Jacques Bourdin sur RMC-Infos. Pour le reste : TF1, RTL, France-2, France-3, Canal Plus... les émissions ont été soit enregistrées soit carrément annulées.

On notera qu'en France, les médias audiovisuels vivent sous la vigilance du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). L'institution est présidée par Dominique Baudis, dont le nom a, un temps, été évoqué dans le cadre de l'affaire du tueur en série Patrice Alègre.

Voici une liste d'émissions en direct envisagées puis annulées :

- France-3 : invité par Marc-Olivier Fogiel pour "On ne peut pas plaire à tout le monde" (en direct le dimanche soir), Michel Roussel s'est vu décommandé en raison du fait qu'il participerait à un "Pièces à conviction" enregistré par Elise Lucet pour la même chaîne. Publicité

- Canal Plus : invité par Emmanuel Chain dans le cadre de "Merci pour l'info" (en direct du lundi au vendredi), l'enquêteur, dont l'éditeur avait entre temps été sept ou huit fois en contact avec les responsables de l'émission, a finalement été décommandé.
- France-Info : Michel Roussel devait passer en direct lundi à 8h15. Rendez-vous annulé. Sur ce dernier cas, le journaliste Matthieu Aron, qui devait réaliser l'interview, affirme qu'il n'a subi aucune pression d'aucune sorte. Il ajoute que les choses se sont passées de la manière suivante : France-Info devait avoir lundi la première exclusivité après l'émission "7 à 8" sur TF1, diffusée la veille. Mais, vendredi, Michel Roussel était déjà interviewé dans le Parisien, ce qui n'était pas prévu. Là-dessus, Matthieu Aron propose d'avancer l'interview France-Info au vendredi voir ou, au pire, au samedi matin. Refus de l'éditeur, qui ne veut pas boulverser son plan-médias et, du coup, abandon du projet.

Le livre

Dans son ouvrage "Homicide 31, au coeur de l'affaire Alègre", Michel Roussel livre son témoignage et le récit de son inlassable quête de vérité. En butte à la critique sur ses méthodes de travail, estimant avoir été volontairement écarté de la "seconde" affaire Alègre, portant sur des faits de "viols et proxénétisme aggravé" dans lesquels des personnalités ont été mises en cause par d'anciennes prostituées début 2003, l'adjudant Roussel, âgé de 43 ans, a fait valoir ses droits à la retraite le 13 octobre dernier. Dans son témoignage, un récit chronologique écrit "au nom du devoir de vérité dû aux victimes", il revient sur les étapes, difficultés et dysfonctionnements d'une enquête "hors-normes" commencée avec l'arrestation de Patrice Alègre en 1997.

Genèse d'une affaire

Son seul but, explique-t-il, est de faire reconnaître l'impérieuse nécessité d'enquêter sur tous les cas de meurtres, décès suspects ou disparitions entre 1985 et 1997 recensée par la cellule "Homicide 31". S'il n'en cite pas le nombre, le total est vertigineux : 191 dossiers, avait indiqué la gendarmerie en juin 2003. Pas à pas, au fil des dossiers de meurtres, l'ancien gendarme retrace méticuleusement la genèse de ce que l'on appelle aujourd'hui l'affaire Alègre : identification puis interpellation du tueur en série, des aveux autant parcimonieux que laconiques, la longue gestation de la cellule et les oppositions qu'elle suscite...

Amertume

Dans la seconde partie du livre, Michel Roussel en vient au sulfureux volet des accusations de Patricia et Fanny. Même s'il s'en défend, l'amertume devient omniprésente. Il explique d'emblée qu'il "ne croit pas" que tout ce qu'elles ont "déclaré soit vrai" mais l'ex-adjudant considère qu'à "plusieurs reprises, on m'a fait comprendre qu'il ne fallait pas rechercher de nouveaux témoins susceptibles de recouper des déclarations gênantes, que je devais même +tamiser+ les témoignages". Michel Roussel termine en livrant sa réflexion sur l'affaire. "Dès que 'l'affaire Baudis' a éclaté au grand jour, le travail des enquêteurs sur les meurtres a été laminé par une vague de fond irrépressible. 'L'affaire Baudis' est venue enfouir la véritable affaire Alègre dans une sorte de brouillard opaque (...). Ce brouillard dissimule une réalité sordide, celle de crimes de sang.", écrit-il notamment.

Baudis un arbre ?

"Dominique Baudis a-t-il été l'arbre utilisé pour cacher la forêt ? Son implication brutale dans un dossier sulfureux a-t-elle été un leurre (...)", s'interroge l'ancien gendarme. Reste aussi un portrait sans fard de Patrice Alègre : "Ce n'est pas son intelligence, guère supérieure à la moyenne, qui lui a permis de devenir un tueur en série, mais bien plutôt la légèreté de la police et de la gendarmerie dans les années 90", dit-il.

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