Racisme antiblanc : Vers un scénario zimbabwéen pour l'Afrique du sud? (In South Africa, we are just starting)

Shoot the Boer, shoot, shoot, shoot them with a gun.   Chant antiapartheid

Nous avons dû former des Noirs. Et, après nous avons été licenciés.   Steve (ancien employé des chemins de fer devenu SDF)

Julius Malema dit tout le temps “tuez les Boers, tuez les Boers”, et ils l'ont fait. C'est inacceptable, totalement inacceptable. Rien ne peut le justifier. Qui sera le suivant ? Sudafricaine (venue rendre hommage au leader blanc extrémiste assassiné)

Je vis au Zimbabwe, donc je respecte la loi du pays, mais celle-ci indique clairement que je dois être dédommagée, sinon cela s'appelle du vol! Catherine Jouineau (Française victime d'expropriation au Zimbabwe)

En Afrique du sud, nous commençons tout juste. Ici au Zimbabwe vous êtes déjà bien avancés. La question de la terre a été abordée. Nous sommes très heureux qu'aujourd'hui vous comptiez plus de 300 000 nouveaux fermiers contre les 4 000 qui dominaient auparavant votre agriculture. A ce qu'il paraît, vous allez maintenant vous attaquer directement aux mines. C'est ce que nous comptons faire en Afrique du Sud. Nous voulons les mines. Ils exploitent depuis longtemps nos minerais. Maintenant c'est à notre tour d'en profiter aussi. Ils sont si lumineux, ils sont colorés, on les appelle les blancs, peut-être que leur couleur est venue en raison de l'exploitation de nos minerais et peut-être que si certains d'entre nous peuvent avoir accès à ces minerais que nous pourrons développer un peu de cette belle couleur comme eux.   Julius Malema (Harare, 04. 01. 10)

Nous sommes prêts à prendre les armes et à tuer pour Zuma.   Julius Malema (pour mettre fin à ce qu'il considère comme un acharnement judiciaire contre le président de l'ANC, soupçonné alors de corruption, 17. 06. 08)

La femme qui a accusé de viol Jacob Zuma a dû prendre ‘du bon temps' avec lui puisque le matin elle a ‘demandé un petit déjeuner et de l'argent pour prendre le taxi'.   Julius Malema (lors d'un procès tenu en 2006, Jacob Zuma a été acquitté, 22.01.09)

Elle, Helen Zille, la petite fille raciste, doit se rappeler que Zuma est son boss. Julius Malema (Helen Zille, ancienne opposante blanche au régime d'apartheid et présidente du premier parti d'opposition, l'Alliance démocratique, 01. 05. 09)

Vers un scénario zimbawéen pour l'Afrique du sud?

Record de criminalité (52 meurtres par jour), reforme agraire et discrimination positive profitant surtout aux amis du régime, marginalisation culturelle, exode massif et fuite des cerveaux (de 20 à moins de 10% de la population en 16 ans, dont le célèbre prix Nobel de littérature J.M. Coetzee), paupérisation des moins qualifiés, nettoyage ethnique des noms de lieu comme de la langue afrikaans dans l'enseignement, projet d'état ethnique, appel au meurtre par des dirigeants de l'ANC,  plus d'un   millier   de fermiers blancs tués depuis 1994 (« soit beaucoup plus qu'au Zimbabwe voisin pourtant montré du doigt pour sa brutale réforme agraire ») …

Au lendemain du   meurtre   de la figure de proue du nationalisme d'extrême-droite afrikaaner Eugène Terre'Blanche, battu à mort par deux de ses jeunes employés de ferme (16 et 21 ans) …

Et à l'heure même où le jeune très populaire président de la Ligue des Jeunesses de l'ANC Julius Malema (29 ans) est en   visite   au Zimbabwe voisin du régime-voyou de Mugabe dont il vient, entre deux appels à « tuer le Boer », de vanter et   reprendre à son compte le programme de confiscation des fermes et des mines blanches   …

Pendant qu'avec ses centaines de milliers de billets et de chambres d'hôtel sur les bras   à deux mois à peine de la Coupe du monde   de football, le régime sud-africain du démagogue Zuma fait naturellement tout pour noyer le poisson …

Retour, avec un article de Slate, sur ce   racisme antiblanc   que même après la demande d'asile politique d'un jeune Sudafricain blanc en septembre dernier (d'ailleurs en voie d'expulsion suite à l'intervention de l'Etat canadien),   nos belles âmes continuent à refuser de voir .

Et surtout sur la question que pose pour l' avenir de cette   dernière importante minorité blanche d'Afrique noire   (mais, sans parler du pogrom médiatique de   Durban   de septembre 2001 et comme l'ont montré les   émeutes xénophobes   des townships de mai 2008, les autres minorités – noirs compris – sont-elles réellement mieux loties?) l' émergence de démagogues   de la trempe d'un Zuma élu depuis à peine un an ou d'un Malema souvent présenté comme son futur successeur…

En Afrique du Sud, les Blancs n'ont plus d'avenir
Dans l'ère post-apartheid de la nation «arc-en-ciel», les Blancs sont victimes de discriminations.
Pierre Malet [1]
Slate
11 Septembre 2009

Au pays qui s'est lui-même rebaptisé «Nation arc-en-ciel» depuis la fin de l'apartheid, lorsque Nelson Mandela est devenu Président en 1994, les accusations de racisme anti-blancs font l'effet d'une bombe. C'est pourtant sur ce motif de persécutions racistes dans son pays d'origine qu'un Sud-africain blanc a obtenu l'asile au Canada [2].

Brandon Huntley, 31 ans, a déclaré au quotidien Sud Africain The Star [3] qu'il avait convaincu les autorités d'Ottawa de lui accorder l'asile pour avoir été attaqué sept fois par des Noirs à cause de sa couleur de peau. Ils l'auraient traité de «chien blanc» et de «colon». Des accusations jugées scandaleuses par les autorités sud-africaines, qui s'étonnent que Brandon Huntley n'ait jamais porté plainte. Pour sa part, ce dernier refuse de communiquer avec son «gouvernement». Le régime de Pretoria s'indigne également de ne pas avoir été consulté avant que le verdict ne soit rendu. Il accuse le Canada de favoriser le racisme en prenant ce type de décision. Face à cette pression diplomatique, les autorités canadiennes ont décidé le 3 septembre de faire appel de la décision de justice.

Quel que soit l'épilogue judiciaire, il n'en reste pas moins que cette affaire a soulevé une question jusque-là presque taboue. D'ailleurs, les médias sud-africains adoptent le plus souvent un traitement très factuel de cette affaire. Ce sont les courriers des lecteurs et les commentaires des articles via internet qui prennent volontiers un ton virulent. Des lecteurs blancs du Citizen se sont félicités de la décision de justice canadienne. Ils espèrent que cela va permettre à des milliers de sud-africains blancs d'émigrer. Et inciter le régime de Jacob Zuma (élu président en avril 2009) à prendre en compte leur malaise. Mais l'exode a déjà commencé depuis longtemps. Le South african institute of Race relations [4][SAIRR, institut sud-africain de relations raciales, un organisme indépendant] a publié l'année dernière un rapport alarmant. Il affirme que 800 000 sud-africains blancs ont quitté leur pays de 1995 à 2005: des hommes actifs, âgés de 25 à 35 ans pour la plupart. Ces chiffres sont encore plus impressionnants si on les rapporte à la population sud-africaine: seulement 10 % des 49 millions de Sud-africains sont blancs.

Les départs seraient en constante progression, notamment depuis l'arrivée au pouvoir de Jacob Zuma. Alors que Mandela faisait de la réconciliation avec les Blancs une priorité absolue, Zuma considère qu'il a avant tout été élu pour défendre la cause des Noirs. D'ailleurs, l'électorat blanc a massivement porté ses suffrages sur les candidats de l'opposition. Selon Johan Van Rooyen, auteur d'une enquête pour l'Unisa (Université sud-africaine), «60 % des Sud-africains quittent le pays en raison du fort taux de criminalité: dans les années 90, près de 250 000 personnes ont été assassinées». Autre cause de départ, la mise en place de l'affirmative action (la discrimination positive). Des milliers de Blancs ont été licenciés. «Nous avons dû former des Noirs. Et, après nous avons été licenciés» affirme Steve, la cinquantaine, ancien employé des chemins de fer devenu SDF.

Son point de vue reflète l'amertume de beaucoup de Blancs qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent laisser la place à des Noirs qu'ils considèrent comme moins bien formés qu'eux.

En arrivant à Johannesburg, l'un des premiers sujets d'étonnement n'est autre que la présence de SDF blancs. Loin du cliché selon lequel tous les Blancs d'Afrique vivraient dans l'opulence. Un grand nombre d'entre eux —souvent des Afrikaners venus des campagnes-—sont séropositifs. Le fait de leur apporter de l'aide n'est pas forcément la priorité des nouvelles autorités. Comme le signale David Smith, le correspondant du Guardian à Johannesburg, «les Blancs font comme si, (l'apartheid) n'était jamais arrivé [5], les Noirs comme s'ils avaient pardonné». Pour comprendre que rien n'est terminé, il suffit d'une expérience simple à réaliser pour un Blanc: se balader à pied de nuit dans le centre-ville de Johannesburg en compagnie d'une jolie fille noire. Les Noirs que vous allez croiser vous jetteront rarement des regards bienveillants. Si vous réussissez à rejoindre votre véhicule sans avoir été agressé c'est que vous êtes très chanceux. Mais ne recommencez plus jamais.

Même André Brink, un écrivain qui a combattu l'apartheid aux côtés de l'ANC [6](Congrès national africain, au pouvoir depuis 1994) se montre très critique vis-à-vis du régime actuel. Il a écrit des tribunes au vitriol pour dénoncer la remise en cause de l'Etat de droit. A commencer par le droit à la sécurité. Le «malaise blanc» est l'un des thèmes récurrents de ses derniers romans. Tout comme ceux de John Maxwell Coetzee, prix Nobel de Littérature et auteur de Disgrâce, roman qui lui a valu les foudres de l'ANC. Le parti au pouvoir depuis la fin de l'apartheid considère cette śuvre comme hostile à l'Afrique du Sud. Certes, tout n'est pas négatif comme le souligne l'écrivain afrikaner Deon Meyer [7]: «Par rapport à la situation d'il y a quelques années, les changements sont importants. Mes enfants, qui ont entre 15 et 20 ans, sont la première génération à avoir fréquenté des écoles multiraciales. Ils ont des amis de toutes les couleurs, habitent les mêmes quartiers, partagent le même environnement. Il est bien plus facile pour eux de s'intégrer, d'être ensemble socialement. Ceux qui, comme moi, n'ont grandi qu'avec des gens de leur race n'ont jamais eu l'opportunité de se faire des amis au-delà de cette barrière de la couleur. J'avais des amis noirs, mais ils vivaient dans des quartiers noirs à cinquante kilomètres de là. Ceci étant dit, ça change, mais lentement. Les gens ont surtout des amis au sein de leur propre communauté». Mais l'écrivain à succès, qui voyage partout dans le monde, ajoute: «Je ne pense pas que ce soit un cas unique. A New York, les Grecs sont entre eux, ainsi que les Afro-américains ou les Italiens, et il n'y a pas tant de relations avec les autres groupes. C'est la même chose à Paris. Il est rare que je voie dans les restaurants parisiens des gens de couleurs différentes assis à la même table.»

André Brink veut lui aussi conserver un fond d'optimisme: «Si les Afrikaners ont survécu, c'est grâce à leur affinité particulière et à leur profonde relation avec l'Afrique. C'est la raison pour laquelle je crois qu'ils ont un avenir ici. Même si beaucoup ont préféré émigrer ces dernières années». A l'image de John Maxwell Coetzee qui s'est installé en Australie et conserve des relations très distantes avec son pays d'origine. La Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Canada et la Grande-Bretagne sont les nouvelles terres d'élection des Sud-africains.

Le régime de Zuma devra agir vite s'il veut les persuader de rester au pays. Sinon la seule tribu blanche d'Afrique ne sera plus qu'un lointain souvenir.

Pierre Malet

Voir aussi:

Ces fermiers blancs que le Zimbabwe exproprie
 
Sébastien Hervieu
L'Express
le 13/03/2010

Trente cinq hectares de patates douces, 20 hectares d'orangers, 20 hectares de maïs, 11 hectares de potager, 30 vaches… » Dans la petite salle du tribunal, Catherine Jouineau-Meredith égrène à la barre tout ce qu'elle a perdu. Un foulard rouge et bleu autour du cou, l'élégante femme, âgée d'une quarantaine d'années, se tient droite. Derrière le pupitre en bois, elle constate d'une voix ferme: « Je n'ai pas reçu un centime de dédommagement. »

Au fond de la pièce, Jamaya Muduvuri, le sénateur du parti présidentiel qui l'a expulsée de sa ferme il y a un an vient de faire son entrée. En tenue kaki, il s'assied sur un banc en occupant deux places. Justement, elle parle de lui, avec une pointe d'ironie: « Il a déjà mangé la moitié de mes 300 moutons. » L'avocat de l'Etat zimbabwéen l'accuse d'être restée illégalement sur ses terres? Elle brandit des papiers officiels et argumente en anglais. Si ses yeux lançaient des éclairs, l'homme serait déjà foudroyé.
En un an, Catherine Jouineau a dépensé près de 28 000 euros en frais d'avocat. Sans doute pour rien.

Ce mercredi 17 février, c'est la douzième fois depuis son expulsion que la fermière française se retrouve devant la cour de justice de la petite ville de Chegutu, située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Harare, la capitale zimbabwéenne. La voie juridique est la seule qu'il lui reste pour espérer rentrer un jour chez elle. « Ici, je suis locataire, tous mes meubles sont restés à la ferme », confie avec amertume Catherine Jouineau, installée sur la terrasse d'une maison nichée dans une banlieue huppée de Harare.

Depuis le lancement, en 2000, de la réforme sur la redistribution des terres au Zimbabwe, qui s'est traduite par l'expulsion de 93% des 4500 fermiers blancs, la Française avait été menacée trois fois. En 2004, en 2005, puis au début de 2009. « Un ou plusieurs individus se présentaient à ma barrière pour réclamer ma ferme comme un dû », se souvient-elle. La dernière tentative fut la bonne.

« C'était un dimanche, il était 5 h 30 du matin. » A l'aube de ce 15 mars 2009, Catherine Jouineau et son mari, zimbabwéen, quittent leur propriété en catimini. « Mon plat de queues de boeuf est resté dans le four… » Le couple vient à nouveau de passer une nuit horrible. Depuis un mois, une trentaine de jeunes désoeuvrés, payés par le sénateur Muduvuri, occupent ses terres. En direction de la maison, ils crient: « C'est une ferme zimbabwéenne, pas française, faites vos bagages! » La nuit, elle entend: « On va vous tuer, on va vous tuer! »

Je me croyais à l'abri de la réforme agraire avec ma petite exploitation

Elle sait que ce ne sont pas que des paroles. Des voisins fermiers ont déjà été tabassés. « Parfois, vers minuit, ils réveillaient les enfants de nos ouvriers agricoles pour les forcer à voir leurs parents roués de coups de bâton sur la plante des pieds. » Le couple ne dort plus que de une à deux heures par nuit. C'en est trop. Ce 15 mars, Catherine Jouineau abandonne en quelques minutes tout ce qu'elle a construit en une décennie.

Elle se souvient encore de la proposition d'un ami, faite en 2000: « Tu aimes les grands espaces, pourquoi n'achèterais-tu pas cette ferme? » « Ça ne va pas? Je n'y connais rien! » s'entend-elle encore lui répondre. Mais l'idée fait son chemin. Originaire de la Haute-Normandie, cette jeune femme qui a passé son enfance à Paris était vite tombée amoureuse de l'Afrique.

Son diplôme d'école de commerce en poche, elle s'était envolée pour l'Angola afin de travailler comme experte-comptable dans une multinationale. Le climat de violence qui entoure les élections de 1992 l'oblige à quitter le pays. Mais elle reste dans la région et pose ses valises au Zimbabwe, alors la perle de l'Afrique australe. Au début des années 2000, elle a finalement abandonné ses activités de consultante auprès d'entreprises pour s'installer dans sa ferme, nommée Twyford, distante d'une dizaine de kilomètres de Chegutu.

« J'ai appris le métier en allant voir mes voisins fermiers », explique-t-elle. En trois ans, à l'aide de ses ouvriers, elle bâtit sa maison au toit de chaume et en briques. « Je me croyais à l'abri de la réforme agraire avec ma petite exploitation de 639 hectares. »

Car son profil contraste avec celui de la majorité des autres fermiers blancs zimbabwéens ou sud-africains. Ceux-là possédaient plusieurs fermes. Elle n'en a qu'une. Ils cultivaient des milliers d'hectares. Elle n'en exploite que quelques dizaines. Certains propriétaires traitaient leurs ouvriers avec peu de considération. Elle bichonne sa centaine de travailleurs. Chaque jour, elle fait conduire à l'école 18 enfants dont elle règle les frais de scolarité. Les plus petits se retrouvent dans une crèche créée sur l'exploitation.

Mais, cette année, il n'y aura pas de récolte. « Ce sénateur n'a rien semé, il paie les ouvriers épisodiquement, et s'introduit dans ma maison pour nous voler des biens », assure la Française, dépitée. La dernière fois qu'elle a pu mettre les pieds sur sa ferme, où une brousse de hautes herbes et d'acacias grignote peu à peu les terres cultivées, c'était le 17 avril dernier. Ce jour-là, l'élu, assis sur un tracteur, assure devant des officiels en visite qu'il « cohabitera » avec Catherine Jouineau. Deux heures plus tard, tous les verrous étaient changés… La police n'ose pas intervenir. Devant les ouvriers, il répète que « c'est [sa] ferme ». En réalité, il en a déjà envahi cinq, alors que le texte de loi impose normalement le principe « un homme, une ferme ».

Un pays au ralenti

En février 2009, l'opposant Morgan Tsvangirai contracte un mariage forcé avec son ennemi, le président Robert Mugabe, à la tête du pays depuis trois décennies. Un an plus tard, le Premier ministre du gouvernement d'union nationale peut se targuer d'avoir redonné un peu d'espoir aux quelque 12 millions de Zimbabwéens, victimes depuis une décennie d'une triple crise, politique, économique et humanitaire.

L'introduction du dollar américain a mis fin à l'hyperinflation. Les rayons des magasins sont de nouveau garnis. Le PIB a progressé de 4,7% en 2009. Les fonctionnaires sont retournés au travail, mais ils réclament des salaires plus élevés. Et 90% de la population reste au chômage. Les pays occidentaux ne délivrent toujours leur aide financière qu'au compte-gouttes.

La raison? L'attelage politique avance de plus en plus difficilement. Dans les campagnes, les partisans du parti présidentiel poursuivent leurs violences. Le processus de rédaction d'une nouvelle constitution a pris du retard. Or c'est une étape indispensable avant la tenue de nouvelles élections

S. H.

Le cas n'est nullement isolé dans le pays. Les bénéficiaires de la réforme agraire sont souvent des parlementaires, des ministres et des militaires récompensés pour leur fidélité au pouvoir. La Française ne remet pas en question le bien-fondé de la redistribution des terres. « Je vis au Zimbabwe, donc je respecte la loi du pays, mais celle-ci indique clairement que je dois être dédommagée, sinon cela s'appelle du vol! »

En février 2007, un arrêt rendu par la cour de justice de Harare a confirmé que sa ferme était protégée par un accord bilatéral de protection des investissements. Signé en 2001, celui-ci n'a toutefois jamais été ratifié par la France et le Zimbabwe, ce qui annule sa portée juridique. Une anomalie qui n'a pas été relevée à l'époque par la justice zimbabwéenne.

En un an, Catherine Jouineau a dépensé l'équivalent de près de 28 000 euros en frais d'avocat. « Je suis convaincue de mon bon droit mais, faute de revenus, je risque bientôt de devoir cesser le combat. » L'issue de cette lutte est prévisible, selon son avocat, David Drury : « On a zéro chance de gagner ce procès, car cette justice est contrôlée par le pouvoir politique. » Dans le tribunal, sous le vieux portrait officiel du président Robert Mugabe accroché de travers, le juge annonce qu'il rendra sa décision le 18 mars prochain. Lui aussi s'est vu gratifier d'une ferme, il y a quelques semaines.

Voir par ailleurs:

Zuma Seeks to Calm South Africa After Killing
Barry Bearak
The New York Times
April 4, 2010

JOHANNESBURG — South Africa's president, Jacob Zuma, called for calm on Sunday, warning that “agents provocateurs” might try to incite racial hatred after the brutal killing of the white supremacist Eugene TerreBlanche.

The killing comes at a time when the nation's racial divisions seem particularly acute, the cleft deepened by the singing of a song.

Julius Malema, the leader of the governing party's youth league, has recently included a singalong at his public appearances. The song, “Ayesab' Amagwala,” dates back to the struggle against apartheid. Its lyrics include the lines “Shoot the Boer” — the Dutch word for farmer — “shoot, shoot, shoot them with a gun.”

These renditions have led to hot crosscurrents of opinion here, with some saying that the song has historical importance and that the “shooting” part is metaphorical, while others claim the words are a renewed solicitation to kill.

Last week two judges, in separate hearings, declared the song unlawful and banned its performance, a decision that had many legal experts debating the boundaries between free speech and hate speech.

According to the police, Saturday's killing of Mr. TerreBlanche, the 69-year-old leader of a right-wing party that has largely slipped from significance, was carried out by two farm workers angry with him in a dispute over their pay.

The crime, while certainly notable, might have followed its victim into obscurity were it not for the current prominence of the song. Mr. TerreBlanche considered himself a Boer and was proud to say so.

Some of his party followers in the Afrikaner Resistance Movement now blame Mr. Malema for inciting the death. Its general secretary, Andre Visagie, was quoted by the South African Press Association as vowing an unspecified revenge.

“Our leader's death is directly linked to Julius Malema's ‘shoot the Boer' song,” he reportedly said, adding that Mr. Malema's party, the African National Congress, condoned the death because it approved of “Ayesab' Amagwala.”

The killing of white farmers is a volatile issue in South Africa. The police say nearly 900 of them have been slain since 2001. But many farmers insist the number is far higher and charge that a government conspiracy is at the root.

To them, “kill the Boer” is a lyric with a fearsome immediacy. The knifing and bludgeoning of Mr. TerreBlanche was just another in a common pattern.

For his part, Mr. Malema denied any responsibility for the crime. Reuters quoted him as saying, “On a personal capacity, I am not going to respond to what people are saying.”

Mr. Malema is on a trip to Zimbabwe, where he is again proving to be South Africa's most inflammatory politician. In a speech in Harare on Saturday, he allied himself with the 86-year-old autocrat Robert Mugabe, a stance likely to complicate negotiations in Zimbabwe's political crisis and intensify the apprehensions of white farmers and mining interests in his own country.

Mr. Malema, 29, commended Mr. Mugabe for “standing firm against imperialists” in the same manner as Fidel Castro. He further praised him for appropriating the land of Zimbabwe's white farmers.

“In South Africa, we are just starting,” he said, according to news reports. “Here in Zimbabwe, you are already very far. The land question has been addressed.”

He continued: “We hear you are now going straight for the mines. That's what we are going to be doing in South Africa. Now it's our turn to enjoy from these minerals.”

Actually, the A.N.C.'s official position opposes the nationalization of mines. And the government's land redistribution program, while very troubled in its execution, nevertheless buys white-owned farms rather than confiscating them, paying a reasonable price to landowners willing to sell.

Mr. Malema's blustery remarks, then, might seem inconsequential. After all, the presidency of the party's youth league is a position relatively low on the party's flow chart.

But after Mr. Zuma, Mr. Malema, a relentless newsmaker, is the second-most-quoted person in the country. If people prone to saying the outrageous are called loose cannons, Mr. Malema could be considered heavy ordnance.

There is recurring speculation about why the A.N.C. does not curb his vitriol and racially polarizing statements. It is a hierarchical organization that insists on party discipline. Many here believe that Mr. Malema's comments must come with the sanction of some within the party leadership.

Mr. Malema's trip to Zimbabwe is itself curious. Last month, Mr. Zuma himself traveled to Harare, trying to revive a power-sharing agreement between Mr. Mugabe and his chief rival, Prime Minister Morgan Tsvangirai. As the official mediator for a group of southern African nations, Mr. Zuma needed to seem even-handed in the delicate negotiations.

Mr. Malema scorned Mr. Tsvangirai, a man beaten up several times for his opposition to Mr. Mugabe. He called him a lackey for “imperialists,” a term usually directed at the United States and Britain.

A man who dresses in expensive clothes and drives luxury cars, Mr. Malema additionally condemned some of his white countrymen. “The economy is still controlled by white males who are refusing to change, and the media is also controlled by white males who are refusing to change,” he said.

Mr. Malema is scheduled to meet with Mr. Mugabe on Monday. His visit has been hosted by the youth league of Zimbabwe's governing party, Zanu-PF. During Saturday's speech, Mr. Malema's remarks were largely received with boisterous approval.

In honor of their guest, the crowd, with Mr. Malema joining in, sang, “Shoot the Boer, shoot, shoot, shoot them with a gun.”

Voir de même:

Malema lauds Bob, says SA will copy Zim's land seizures
The Sunday Times

Apr 4, 2010 ANC Youth League President Julius Malema yesterday endorsed Zimbabwean President Robert Mugabe's economic policies – and threatened to import them to South Africa and to nationalise white-owned farms and mines.

 » ‘In SA we are just starting – here in Zimbabwe you are already very far' « 

In a fiery speech at a netball complex in Harare's Mbare township, Malema told a cheering 2000-strong crowd of Zanu-PF youths that, after his visit to Zimbabwe he was going to intensify his campaign for the confiscation of farms and mines in South Africa.

« In SA we are just starting. Here in Zimbabwe you are already very far. The land question has been addressed. We are very happy that today you can account for more than 300000 new farmers against the 4000 who used to dominate agriculture. We hear you are now going straight to the mines. That's what we are going to be doing in South Africa, » Malema said amid cheers.

« We want the mines. They have been exploiting our minerals for a long time. Now it's our turn to also enjoy from these minerals. They are so bright, they are colourful, we refer to them as white people, maybe their colour came as a result of exploiting our minerals and perhaps if some of us can get opportunities in these minerals we can develop some nice colour like them. »

Only five months ago, Malema said Mugabe should go – but yesterday he endorsed the Zimbabwean ruler, whose government has killed thousands of those opposed to Zanu-PF rule and overseen the destruction of the economy through land seizures.

Malema meets Mugabe tomorrow for talks before returning home. Today, he will visit farms and mines in a move calculated to fuel his campaign for nationalisation in South Africa.

Malema – who was introduced at the rally as a « young revolutionary icon » – said Mugabe was a hero in the mould of former Cuban leader Fidel Castro and his successor, brother Raul, because he was « not afraid of imperialists ».

He also paid tribute to South African President Jacob Zuma, former president Nelson Mandela and Mandela's former wife Winnie – while lambasting Zimbabwean Prime Minister Morgan Tsvangirai, whom he described as an ally of « imperialists ».

The youth league leader's attack on Tsvangirai could compromise Zuma's mediation efforts in continuing talks between Mugabe and Tsvangirai on a unity government.

« We salute President Mugabe for standing firm against imperialists. The reason why they want him to go is because he has started attending to real issues, » Malema said.

« To them he can stay in power for 100 years as long as he doesn't talk about the economy and addressing real issues. »

In November, Malema said Mugabe must go. « He must step down – we need a new president in Zim, » he said at the time.

« Zanu-PF is not the problem, the problem is the old man who is refusing to leave power, » Malema said.

« And I don't know why the youth of that country are not taking him on. »

However, yesterday Malema said that Mugabe was a hero.

He said Mugabe and Zuma, together with the ANC and Zanu-PF, had fought in the « trenches' together against colonial regimes and shared a common history with Swapo in Namibia, Frelimo in Mozambique and the MPLA in Angola.

He claimed western countries wanted to destroy Zanu-PF – and then deal with the ANC and other liberation movements to put surrogate parties in power, in order to retain control of resources.

Shifting attention to his homeland, Malema said SA was in desperate need of across-the-board transformation and fundamental reform, because the economy and even the judiciary and media were still « white-controlled ».

He said « white males » were dominating those areas and were even banning the « singing of liberation struggle songs ».

That, he said, showed democracy was too qualified in South Africa.

Malema said the ANC would not stop singing the « ayesab'amagwala, dubul' ibhunu » (Shoot the Boer) song, despite a court ruling against it and were prepared to go to jail for it.

« The judiciary is still controlled by white males who are refusing to change.

« The economy is still controlled by white males who are refusing to change and the media is also still controlled by white males who are refusing to change, » Malema said.

« We can no longer sing liberation songs in South Africa because we will be arrested for undermining the courts. Now we have to go to Zimbabwe, Mozambique and other countries, like we did during exile days, to sing liberation struggle songs. »

« We will never retreat. If it means singing this song leads straight into jail, we are prepared to go there. They can never tell which song we must sing! »

Yesterday morning Malema visited Zimbabwe's North Korean-built Heroes Acre, a burial ground for liberation struggle fighters, and a bombed house in Avondale suburb where ANC exiles lived.

He denounced political violence and claimed Zanu-PF would win free and fair elections if they were held in Zimbabwe.

He said Zimbabwe must defy sanctions like Cuba and « stand firm ».

He then launched a withering attack on the media, saying they could write what they wanted, and that he did not care. He said Zanu-PF youths should not care about what the media said.

« You, the youths of Zanu-PF, must defend the gains of the revolution. You must be focused. You must be militant, radical and resolute, » Malema said.

« We don't care about what the imperialist media write. They can write what they want.

« We are not products of the media, but of the struggle.

« So let them write what they want to write. We don't need a London newspaper to tell us who Mugabe is, » said Malema.

« We don't need the so-called independent media to tell us who Zuma is. We know them. »

Malema chanted Mugabe's and Zuma's names repeatedly during his rousing address, and closed by singing Dubul' ibhunu and Awuleth' umshini wami, to hysterical cheers.

Voir de plus:

Persecuted white South African Brandon Huntley made international race refugee
Jonathan Clayton
The Times
September 3, 2009

A white South African man has been granted refugee status in Canada after successfully arguing his life would be in danger if he returned home because of his skin colour, in a case which has infuriated the ruling African National Congress.

Brandon Huntley, 31, from Cape Town, fled to Canada where his sister lives last April. He told immigration officials he had been attacked seven times by black South Africans who called him a “white dog” and a “settler”.

Last Thursday, an Immigration Board in Ottawa ruled that his “fear of prosecution by African South Africans” was justified.

William Davis, the only member of the board, ruled the unemployed former salesman would “stick out like a sore thumb due to his colour in any part of the country.”

He added that Mr Huntley, who also argued that affirmative action policies put him at a further disadvantage, had given “clear and convincing” proof of the state's “inability or unwillingness to protect him.”

With some 52 murders a day, South Africa has one of the worst crime records in the world. However, the ruling ANC denies it is racially inspired, and argues that blacks are just as much victims as whites and other minorities. However, there is little sympathy shown by the authorities to white crime victims who are frequently dismissed as “white whingers”.

Both government and the ANC slammed Canada's decision as racist, saying it perpetuated false stereotypes that black people attacked white people, whereas both were victims of crime which newly elected President Jacob Zuma has pledged to reduce.

“We find the claim by Huntley to have been attacked seven times by Africans due to his skin colour without any police intervention sensational and alarming,” said the ANC's Brian Sokutu. “Canada's reasoning for granting Huntley a refugee status can only serve to perpetuate racism.”

The ruling struck a chord with many whites, who say the government has done nothing to stop a wave of attacks on white farmers since 1994 and is deliberately failing to make public crime statistics in the hope of improving the country's image ahead of the 2010 football World Cup.

AfriForum, a Afrikaner civil rights organisation, immediately seized on the ruling to try and highlight the issue of “white flight” from the country which has suffered a huge brain drain since the end of apartheid in 1994.

It asked the Home Affairs minister to appoint a task team to probe the reasons for emigration of minority communities. A recent report by the South African Institute on Race Relations said that some 800,000 whites out of a population of some four million had left the country since 1994.

It added, however, that many educated blacks had also left.

It described such a pace of migration as more consistent with the advent of “widespread disease, mass natural disasters or large scale civil conflict.”

Ronnie Mamoepa, spokesman for the Home Affairs Ministry, slammed the Canadian move as preposterous. “It would have been courteous for the Canadian authorities to contact the South African government to verify this case,” he told reporters. “The allegations are as preposterous as they are laughable.”

The South African government was directly criticised in the ruling for affirmative action and black economic empowerment policies which although “there is an explanation for them, are discriminatory”.

Race relations in South Africa are again under scrutiny with many people arguing the country has gone backwards since the heady days of Nelson Mandela's inauguration of the Rainbow Nation. Last week, an ANC youth leader said whites were notable by their absence when controversial gold medal winner Caster Semenya, whose gender has been questioned, was given a hero's welcome at Johannesburg airport.

“If it was rugby they would have been here,” said Julius Malema, President of the Youth League.

Voir enfin:

Emeutes xénophobes, Afrique du sud mai 2008

Emeutes raciales et xénophobie en Afrique du Sud
Les territoires de la mémoire
n°46, octobre-décembre 2008

Depuis plusieurs mois, l'Afrique du Sud doit faire face à des émeutes d'une extrême violence qui opposent certaines populations locales et les nouveaux migrants venus des pays limitrophes à la recherche d'un emploi et d'une vie meilleure. Le pays n'a pas encore fait le point sur son propre passé que des nouveaux drames font déjà leur apparition.

Entretien avec Kathryn Pillay,
Maître de conférence à la « School of Sociology & Social Studies « de l'Université de KwaZulu-Natal à Durban

Julien Paulus : Les médias en Europe ne parlent pas beaucoup des attaques xénophobes et racistes contre les étrangers en Afrique du Sud, on peut dès lors se poser la question suivante : est-ce que c'est vraiment un sujet important dans les médias aujourd'hui ?

Kathryn Pillay : La violence qui a émergé à Johannesburg en mai de cette année et qui s'est répandue rapidement à travers le pays n'est vraiment pas un sujet sans importance ! Les élections démocratiques de 1994, les nouvelles politiques, et l'arrêt des sanctions internationales ont provoqué une augmentation des migrations vers l'Afrique du Sud en particulier des pays limitrophes et d'autres pays du continent africain. Contrairement à une croyance fort répandue, les migrations internationales vers l'Afrique du Sud ne sont pas du tout un nouveau phénomène. La longue histoire des migrations semble avoir été oubliée par le grand public, les médias et les hommes politiques, et, malgré ces mouvements de populations massifs sur plusieurs décennies, il y a clairement des signes d'une xénophobie galopante dans le chef de la population d'Afrique du Sud. Cette xénophobie est orientée contre les migrants en général, contre les migrants illégaux, contre les réfugiés, et tout cela dans une société post-apartheid et démocratique. Ce n'est pas tant la xénophobie en tant que peur des étrangers qui augmente depuis 1994 mais la violence qui accompagne ce rejet. Cette violence place l'Afrique du Sud parmi des pays comme on en trouve en Europe qui ont également des problèmes de xénophobie. Dans une société qui prétend rejeter le racialisme, dans une société où les gens refusent d'inclure ou d'exclure l'autre sur une base raciale, on trouve aujourd'hui des processus de rejet de l'autre et d'exclusion qui rappellent l'apartheid et qui ont une influence sur les flux migratoires et les migrations en général vers l'Afrique Sud. La société en Afrique du Sud est donc visiblement en train de vivre une période de transformation avec de nouvelles réalités et de nouvelles opportunités et, d'une certaine manière, on peut dire que l'apartheid a été remplacé par la xénophobie. Même si mon point de vue peut paraître extrême, la xénophobie est une question sociale qui doit être au coeur du débat si les idéaux démocratiques et « la renaissance africaine « tels que promus par le gouvernement, sont vraiment des objectifs.

Julien Paulus : Quelles sont les nationalités des victimes de la xénophobie ?

Kathryn Pillay : En Afrique du Sud, la xénophobie ne peut pas être considérée comme un rejet des étrangers en général ; il a été remarqué que les Africains noirs en provenance d'autres parties du continent sont bien plus souvent affectés par la xénophobie en comparaison avec les Blancs. Les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants sans papiers viennent de toute l'Afrique mais plus particulièrement du Zimbabwe, de Somalie, du Burundi, du Mozambique, du Malawi et de la République démocratique du Congo. Ces migrants viennent en Afrique du Sud pour une foule de raisons mais essentiellement pour trouver refuge face à la violence politique dans leur propre pays. Par exemple, les migrants qui viennent du Congo cherchent à fuir une guerre qui a fait quatre millions de morts en dix ans. Ils sont venus en Afrique du Sud avec leur famille à la recherche d'une vie meilleure et plus sécurisante.

Julien Paulus : Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de ces émeutes et comment elles sont répandues à travers le pays ?

Kathryn Pillay : Beaucoup de raisons ont été avancées pour expliquer la terrible violence qui a eu lieu en mai de cette année. Une explication parmi d'autres, c'est que certains citoyens d'Afrique du Sud perçoivent les étrangers comme des « voleurs d'emploi « ou encore des criminels. Les étrangers sont aussi blâmés pour leur prétendue responsabilité dans la propagation du Sida, l'augmentation du chômage et le viol des femmes d'Afrique du Sud. Il y a une croyance très répandue ici selon laquelle les Africains du Sud doivent entrer en compétition avec les étrangers dans un contexte de ressources économiques rares. Ces perceptions vis-à-vis des étrangers sont souvent entretenues par les médias mais aussi par des attitudes ouvertement xénophobes dans le chef des hommes politiques ou des officiels du gouvernement qui font des déclarations xénophobes et des commentaires qui ne sont pas remis en question par la presse. Les médias ne reflètent donc pas seulement le racisme et la xénophobie ambiants mais peuvent également contribuer à l'incompréhension par rapport à la réalité et aux faits. Les étrangers qui vivent et qui travaillent dans les provinces de Gauteng (Western Cape), et de Kwazulu-Natal ont été très touchés par les violences xénophobes. Ce n'est pas seulement la violence qui pose problème mais le degré terrible de celle-ci. Les journaux locaux et nationaux diffusent régulièrement des photos en première page d'étrangers brûlés vifs par leurs ravisseur. s Des reportages à la télévision révèlent des traitements absolument inhumains qui rappellent des scènes que l'Afrique du Sud n'avait plus connues depuis longtemps. La violence a laissé plus de soixante morts et vingt mille blessés depuis le début des émeutes. Et à ce jour, il y a toujours près de trois mille étrangers qui vivent dans des camps de réfugiés à Johannesburg.

Julien Paulus : Qu'est-ce que les autorités font pour faire face à cette violence ?

Kathryn Pillay : Le gouvernement a eu connaissance d'événements xénophobes qui s'étaient produits par le passé mais rien n'a été fait pour lutter contre ceux-ci. Il a fallu attendre l'explosion de violence en mai pour que les autorités reconnaissent finalement l'existence du problème. Plusieurs villes d'Afrique du Sud sont cependant toujours aujourd'hui dans la négation de Kathryn Pillay l'existence de la xénophobie. A Durban, par exemple, les médias ont affirmé que la ville était largement épargnée. La réalité cependant est toute différente : près de deux mille cinq cents étrangers ont dû se réfugier dans les églises et dans les postes de police pendant les attaques. Des bus ont été envoyés des pays limitrophes comme le Mozambique et le Malawi pour embarquer les réfugiés et les ramener dans leur pays d'origine. A ce jour, il y a toujours des victimes qui vivent dans des bidonvilles ou dans la rue alors que la persécution continue contre leurs communautés. Quant aux personnes qui sont toujours sur les sites de réfugiés, ce sont celles qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays d'origine et qui ne peuvent pas non plus réintégrer l'Afrique du Sud. Parmi elles, nombreuses sont celles qui ont fui des pays en guerre pour découvrir les atrocités qui les attendaient en Afrique du Sud, pays dit en paix. Fin mai 2008, plus de deux cents responsables présumés des attaques xénophobes ont été arrêtés.

Julien Paulus : Avec le souvenir de l'apartheid et l'idéologie racialisante qui le caractérisait, comment expliquez-vous de tels comportements vis-à-vis des étrangers ?

Kathryn Pillay : Je dirais que l'Afrique du Sud contemporaine est passée d'un rejet de l'autre interne à la communauté nationale, tel que promu par le régime de l'apartheid, à un rejet de l'autre figurant en dehors de cette même communauté : les étrangers. De la même façon que l'apartheid a criminalisé la couleur de peau noire, la nouvelle xénophobie criminalise l'appartenance noire quand elle est associée au statut d'étranger. Dans ce contexte, le nationalisme devient central dans la problématique xénophobe et constitue une dérive de la volonté de créer une nouvelle identité nationale. Pour toute une partie du peuple sudafricain qui n'est que depuis très récemment considéré comme citoyen à part entière, l'ennemi dans la lutte pour l'accès aux ressources et aux services n'est plus l'Etat blanc de l'apartheid, mais celui qui n'est pas citoyen de la Nation : l'étranger.

Julien Paulus : Nous ne sommes donc peut-être pas devant du racisme à l'état pur mais plutôt un combat pour l'accès à l'emploi à la sécurité sociale, êtes-vous d'accord avec cela ?

Kathryn Pillay : Les attaques violentes ont été perpétrées contre des Noirs africains par des Noirs sud-africains. Je dirais donc que la xénophobie n'est pas seulement liée à l'économie et à l'emploi, mais aussi à l'opposition « nous « et « eux «. Cette opposition renvoie à « l'inclusivité « et « l'exclusivité « mais aussi à l'existence des Nations et des Etats-Nations. Je crois qu'il est nécessaire de faire une distinction conceptuelle entre la xénophobie et le racisme. Le racisme peut-être décrit comme un rejet basé sur la croyance qu'il existe des différences biologiques entre les êtres humains et que ceux-ci puissent dès lors être catégorisés et classés en divers groupes homogènes qui entretiendraient des rapports hiérarchiques entre eux. Par contre, la xénophobie caractérise une distinction opérée parmi un groupe d'individus et qui prend sa source essentiellement (mais pas seulement) dans les concepts de nation et de citoyenneté. Même si je maintiens une distinction théorique entre ces deux concepts, je ne suis pas certaine que les gens sur le terrain maintiennent cette distinction. C'est là qu'on voit clairement la différence entre le débat théorique et la complexité du terrain, un terrain dramatique aujourd'hui en Afrique du Sud.

Notes : Traduction : Jérôme Jamin

Retranscription : Jamila Tita

Des milliers d'immigrés fuient l'Afrique du Sud, effrayés par la xénophobie

26 mai 2008

JOHANNESBURG (AFP) — Des dizaines de milliers d'immigrés, effrayés par les violences xénophobes, continuaient lundi à fuir l'Afrique du Sud ou à se regrouper dans des camps de fortune, bien que le président Thabo Mbeki ait tenté de calmer les esprits, trop tard selon les critiques.

Les violences à Johannesburg, épicentre des attaques qui ont fait au moins 50 morts et des centaines de blessés en deux semaines, semblaient s'atténuer, la police signalant seulement quelques incidents sporadiques.

« C'est très, très tranquille, à part quelques masures vides incendiées à Katlehong », un bidonville de la banlieue est de Johannesburg, a déclaré lundi matin à l'AFP Govindsamy Mariemuthoo, porte-parole de la province du Gauteng, où se trouve la capitale économique du pays.

« Nous faisons des patrouilles et surveillons la situation », a-t-il ajouté.

Plus de 35.000 immigrés ont toutefois déjà déserté les townships pour se réfugier sur des terrains vagues près de commissariats ou dans des centres sociaux, dans des conditions sanitaires préoccupantes en ce début d'hiver austral, marqué par des températures nocturnes voisines de zéro.

Des dizaines de milliers d'étrangers, dont plus de 26.000 Mozambicains, ont préféré rentrer dans leurs pays.

Le président Mbeki, très critiqué pour son absence du devant de la scène depuis le début des violences le 11 mai, s'est adressé pour la première fois à la Nation dimanche soir, condamnant les « actes honteux » qui ont « terni le nom du pays ».

« Jamais depuis la naissance de notre démocratie nous n'avons vu une telle inhumanité », a-t-il continué, dénonçant des « meurtres commis de sang froid, des attaques brutales, des pillages ».

Ces violences « contredisent tout ce que notre libération de l'apartheid représente », a-t-il dit dans ce message retransmis par les radios et télévisions du réseau public SABC.

« C'était un très bon discours, mais il intervient trop tard », a cependant estimé lundi un analyste de l'Institut sud-africain pour les relations entre les races, Sipho Seepe. « Le défi, ce n'est pas de condamner, mais de prendre des mesures immédiates quand il y a du grabuge dans le pays », a-t-il déclaré sur la radio publique SAFM.

Dans la journée, plusieurs ministres s'étaient rendus dans certains des énormes bidonvilles de la métropole sud-africaine pour tenter d'apaiser les tensions.

Le chef du Congrès national africain (ANC, au pouvoir), Jacob Zuma, habituellement très populaire, a été hué à Springs, dans la banlieue est, par une foule en colère demandant que les étrangers quittent le pays et que le gouvernement améliore les conditions de vie dans les quartiers pauvres.

Nombre de Sud-Africains reprochent aux étrangers de prendre des emplois et de contribuer à la criminalité dans la première puissance économique du continent, où le chômage et la misère touchent toutefois quelque 40% de la population.

« Ce n'est pas en vous battant que vous résoudrez vos problèmes, vous ne ferez au contraire que les exacerber », a déclaré Zuma, favori pour la présidence de la République en 2009.

« Dites (aux dirigeants africains) de dire à leurs peuples de ne pas venir nous embêter dans notre pays! Ils se nourrissent sur la bête! », a lancé un jeune homme, soulevant un hurlement collectif d'approbation.

Des dizaines de milliers d'étrangers fuient l'Afrique du Sud. Plus de 26.000 Mozambicains ont déjà regagné leur pays, selon le directeur de l'Institut national de gestion des catastrophes, Joao Ribeiro.

Le gouvernement mozambicain a affrêté 19 autobus pour rapatrier ses ressortissants et ouvert trois centres de transit pour les accueillir.

Le président Armando Guebuza s'est rendu lundi dans celui de Belualane, à environ 20 km de Maputo, où il a appelé une centaine de rapatriés, à se réinstaller dans le pays et à y chercher un nouvel emploi.

Derrière les violences urbaines, le « Slum act » ?

jeudi 22 mai 2008

Depuis dix jours, la population d'Afrique du Sud assiste, effarée et impuissante, à la violence extrême déployée contre les résidents étrangers des bidonvilles. Tout a démarré le 11 mai à Alexandra, l'emblématique bidonville situé en proche périphérie de Johannesburg, à côté du quartier d'affaires ultra-moderne de Sandton. Les agressions ont rapidement été répliquées dans d'autres quartiers, faisant 42 morts et un grand nombre de blessés, semant la panique. Plus de 16 000 personnes ont quitté leur shack, cherchant refuge dans les églises, les postes de police, les écoles… La police, assistée par l'armée, a arrêté 400 personnes. Les agresseurs s'en prenaient aux étrangers qui vivent sans papiers dans ces quartiers, ayant fui notamment la répression politique et la crise économique du Zimbabwe, et qu'ils accusent de leur voler emplois et logements.

Dans une attitude désormais classique de déni, le gouvernement de M. Thabo Mbeki s'est empressé de pointer du doigt une sinistre « troisième force (1) » — rappelant qu'en 1994, des éléments pro-apartheid avaient jeté de l'huile sur le feu entre l'African National Congress (ANC) et l'Inkhata Freedom Party, pour provoquer des violences présentées comme inter-ethniques. De son côté, l'ANC, désormais dirigé par M. Jacob Zuma, attribuait la responsabilité du chaos aux « échecs du gouvernement ».

En difficulté sur l'énergie (avec les coupures d'électricité qui ont affecté le pays depuis début 2008), sur l'alimentation (avec les hausses de prix) et sur la délinquance, ce gouvernement en fin de règne apparaît également incapable de maîtriser la crise du logement qu'il a laissé se développer dans le pays. Avec l'extension progressive du « Slums Act », une loi visant à éradiquer les bidonvilles, il semblait en effet penser qu'il suffisait d'en décréter la suppression et de procéder à des expulsions manu militari pour que les pauvres rentrent chez eux.

Leçon de cette dernière semaine, la violence quotidienne de la vie des bidonvilles, où la grande pauvreté le dispute au mépris des autorités, peut conduire à un embrasement incontrôlable. A l'approche de la Coupe du monde de football qui doit se tenir en 2010, la valeur foncière d'un quartier comme Alexandra suscite inévitablement de grands appétits.

Au début de l'année, nous avions rencontré, à Alexandra, dans la zone de Marlboro South, les habitants d'une usine, désaffectée après les émeutes anti-apartheid de 1986, et squattée depuis lors. Ils s'attendaient à se voir signifier à tout moment un avis d'expulsion, car les anciens propriétaires avaient obtenu en justice la restitution de leur bien. A l'intérieur de l'usine vivaient deux cents foyers, installés dans des cabanes de bois et de carton empilées comme un château de cartes sur deux étages (« Nous sommes comme les oiseaux, nous faisons notre nid en hauteur ! »). Un lit pouvait servir à quatre personnes qui y dormaient à tour de rôle. En l'absence d'électricité, on s'y chauffait à la paraffine, au risque de provoquer un incendie. Sud-Africains fraîchement débarqués des homelands, Zimbabwéens ou Mozambicains sans papiers, les résidents s'y côtoyaient en bonne intelligence, s'asseyant ensemble chaque soir sur le muret de la cour d'enceinte pour discuter. Ils travaillaient comme agents de sécurité ou ouvriers du bâtiment, pour des salaires de misère ; avec 35 rands par jour, soit environ deux euros, impossible même de payer le transport : il fallait aller travailler à pied. « Nous venons de différents endroits, et chacun a ses habitudes. Nous ne nous sommes pas mis d'accord pour faire à manger en commun », expliquait à regret M. White, un des habitants (un Sud-Africain). Chacun pour soi, donc, mais plutôt compagnons de galère que partisans de la guerre civile.

De nombreuses organisations ont décidé de se coordonner pour assurer la sécurité de tous les résidents et pour empêcher de nouveaux crimes — montrant ainsi le peu de crédit dont jouit une police plus crainte que respectée. Il faudrait, quand la poussière sera retombée, que la population soit associée à un véritable plan de réhabilitation de ces quartiers.

Philippe Rivière

(1) Peter Fabricius, « “Third force behind attacks” », Cape Times, Le Cap, 21 mai.

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