Disparus de l'Isère : MAM ouvre une enquête.

Le 31/05/2010

Des dossiers se sont évaporés et des corps auraient été détruits dans ces disparitions et meurtres survenus entre 1983 et 1996. 

Décrite comme ultraperformante au travers de feuilletons télévisés , la police technique et scientifique serait-elle encore en France bien lacunaire ? La ministre de la Justice a ordonné ce week-end l'ouverture d'une enquête administrative interne portant sur d'éventuels dysfonctionnements dans l'enquête sur neuf disparitions ou meurtres d'enfants en Isère, entre 1983 et 1996.

Des dossiers y ont disparu, mais, plus grave, des corps humains auraient été détruits sur décision de justice. Une initiative qui, si elle est avérée, constituerait une faute grave. «Un corps humain n'est pas un scellé. Après son exploitation par la justice qui décide de son autopsie, il est rendu à la famille ou enterré sous X s'il n'est pas identifié», indique Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice qui ajoute : «Les familles des victimes ont le droit de savoir ce qui s'est exactement passé dans le traitement de ces affaires.»

«Fragments d'ossements» 

En charge de plusieurs d'entre elles, M e Didier Seban attend de pied ferme les résultats de l'enquête interne. «Quand on a voulu à nouveau faire examiner un corps non identifié, on nous avait dit qu'il avait été détruit», dit-il en redoutant que plusieurs autres dépouilles aient subi le même sort à la suite d'une décision intervenue en 1998. Cette année-là, le service de médecine légale du CHU de Grenoble avait obtenu auprès de la justice l'autorisation de détruire diverses pièces dont une douzaine concernait des procédures sous X. En d'autres termes, des affaires dans lesquelles des victimes n'avaient pas été identifiées.

L'enquête administrative devra donc déterminer si, au cours de ce coup de ménage, des corps ont été emportés ou s'il n'y a pas eu de faute comme le suggère aujourd'hui le parquet général de Grenoble. Selon lui, seuls des «fragments d'ossements» retrouvés dans le Vercors ont été détruits. «Mais de quoi parle-t-on ? On nous avait parlé d'un squelette. Aujourd'hui on évoque des fragments osseux. Mais un bout de corps reste un corps», poursuit M e Seban consterné : «Tout cela démontre l'état de notre police criminelle.»

Scellés disparus.

Cette affaire dite des disparus de l'Isère révèle à elle seule les difficultés rencontrées pour traiter d'anciens dossiers non résolus. Les cold cases . Il y a deux ans, la procureur générale de Grenoble, Martine Valdès- Boulouque , avait chargé une cellule de recherche d'enquêter sur la disparition ou le meurtre de quatre garçons et de cinq filles âgés entre 5 et 16 ans entre 1983 et 1996. Une initiative inédite qui a ainsi abouti à l'exhumation d'affaires prescrites en vue de les traiter avec d'autres dossiers en cours d'instruction. Mais cette démarche, consistant à tenter de faire le lien entre ces homicides et ces disparitions, s'est accompagnée de chausse-trapes. «Quatre des cinq dossiers d'instruction dont je m'occupe ont disparu», déplore M e Seban . «On a dû rassembler des procès-verbaux de police et de gendarmerie pour tenter de travailler», dit-il en poursuivant : «On nous a dit aussi que tous les scellés avaient disparu. Toute analyse ADN a donc été rendue impossible», dit-il. Il avait ainsi voulu faire examiner les restes d'un corps d'un enfant retrouvé dans une grotte du Vercors.

Cette découverte pouvait être liée à la disparition deux ans plus tôt du petit Ludovic Janvier, âgé de 6 ans et demi à Saint-Martin-d'Hères (Isère). Une quête dorénavant impossible. Deux ans plus tard, ce travail touche à sa fin sans résultat significatif. Les enquêteurs n'ont pas davantage avancé sur les dossiers et cette tâche ardue leur aura seulement permis d'écarter l'hypothèse d'un tueur en série sur l'ensemble des cas. Un bilan que le parquet général de Grenoble devrait présenter le 24 juin prochain aux familles.

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