L'ex-procureur de Bayonne
interdit d'exercer à vie ?

Le 10 juillet 2007

Le Conseil supérieur de la magistrature statuait sur la révocation de Pierre Hontang, condamné pour vol et escroquerie.

«Je m'en vais. »

Pierre Hontang, ancien procureur de la République à Bayonne, a traversé le miroir. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) statuait hier sur sa révocation. Condamné pénalement en février dernier à dix-huit mois de prison pour s'être payé des filles de joie à l'aide d'une carte bleue volée, il comparaissait disciplinairement en vue d'une double peine : l'éviction de la magistrature. C'en est trop pour Pierre Hontang : il a quitté ses pairs, «renonçant à se défendre».  Pour l'accusation, en la personne du directeur des services judiciaires, Bernard Léonard de la Gatinais,  «il est trop orgueilleux pour se regarder dans la glace et affronter l'image qui lui est renvoyée».

Angelots.  En mai 2004, Pierre Hontang participait à un colloque européen en Allemagne, chargé de disserter sur «l' éthique du ministère public».  A la soirée de clôture, une secrétaire se fait voler sa carte bleue ; dans la nuit, elle est débitée (354 euros à 1 h 24 puis 224 euros à 4 h 48) dans un établissement baptisé le Bijou. Ses tenancières reconnaîtront le magistrat sur photo.

Hontang nie mordicus, sauf qu'il s'était rendu au Bijou deux jours plus tôt en y utilisant sa propre CB (175 euros à 1 h 55). Le magistrat affirme qu'il n'y aurait commandé qu'une bière et quelques paquets de cigarettes, sans y voir malice. En dépit des angelots sur la devanture de l'échoppe, des coeurs rouges aux fenêtres,  «autant de signes permettant au profane de discerner l'activité de ce genre d'établissement». Hontang persiste :c'était seulement bière plus clopes. A 175 euros ? Le procureur affirme qu'il se serait fait rembourser cash le trop perçu, après erreur sur l'addition.

Rupture.  En février la cour d'appel de Colmar l'a condamné à dix-huit mois de prison avec sursis pour vol et escroquerie, plus cinq ans d'interdiction de toute fonction publique. Le CSM, lui, statue sur l'interdiction à perpétuité. Hontang opte pour une défense de rupture : le président du CSM chargé d'évoquer son cas disciplinaire, Jean-Louis Nadal , est avocat général à la Cour de cassation, qui devra prochainement statuer sur son pourvoi dans le volet pénal. La tentative de récusation échoue.

La traversée du miroir est douloureuse. Du temps de la splendeur, Hontang était loué par ses pairs : «Exceptionnel bagage, magistrat de très grande classe, sens des responsabilités.» Depuis l'affaire de la CB, la hiérarchie lui reproche soudainement d'enterrer des affaires touchant des huiles locales et surtout, crime de lèse-majesté, de ne pas en informer sa hiérarchie. S'agissant d'un procureur, le CSM ne donnera qu'un avis à la chancellerie, mais son représentant a déjà donné le ton : «Manquement à la plus élémentaire dignité; atteinte, et à quel niveau, de la crédibilité de l'institution.»

Renaud LECADRE

Source : 'Libération'

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