greek crisis

Le blog de Panagiotis Grigoriou.

Carnet de notes d'un ethnologue en Grèce
Une analyse sociale journalière de la crise grecque

samedi 8 février 2014

Démocratisme réellement existant.


Nos murettes et nos autres surfaces repeintes aux couleurs d'époque et du futur en disent déjà long sur notre temps. Arts et surtout spectacles sous l'œil de l'Acropole qui en a vu bien d'autres changements de régime depuis la “Politeia” des anciens. Place de la Constitution, des lycéens certainement venus d'ailleurs se faisaient photographier devant un jeune mendiant plus invisible que jamais, tant ils se croient durablement éblouis par les lumières de la ville. Mirages.

L'Acropole. Athènes, février 2014


Cette semaine, le Nouvel Observateur avait organisé un colloque mainstream à Athènes... pour enfin “Oser la Démocratie”. Antonis Samaras, Evangelos Venizélos et les leurs étaient de la partie, protégés comme jamais par quarante gardes du corps, lugubres comme toujours à la merci de leur triste sort. Ils ont publiquement déploré une certaine attitude de l'Europe, visiblement, ils sont acculés devant le vide, le leur d'abord, et cela se voit.

En réalité, les véritables maîtres du Monopoly grec, situés entre Berlin et les capitales des capitaux, seraient sur le point de les abandonner pendant que le pays agonisant n'avale plus ses pilules de propagande comme avant, tout le monde le sait et tout le monde le dira à qui veut l'entendre.  

Lycéens, Place de la Constitution, février 2014

 

Le mendiant, Place de la Constitution, février 2014

 

La Présidence grecque de l'UE. “Quotidien des Rédacteurs” du 5 février  


Jacques Delors et Valéry Giscard d'Estaing dont la présence fut initialement annoncée par les organisateurs du colloque, n'ont finalement pas fait le déplacement jusqu'à Athènes, le chemin doit être long, très long même en ce moment. Un humoriste d'Athènes originaire de Thessalie semble fournir un certain début d'explication à tout cela, son spectacle se dénomme justement: “Sorry... i'm Greek”.

Sous un autre ton, une récente affiche d'un mouvement de gauche invite à “Résister contre la Présidence grecque à l'UE” et vendredi 7 février tard dans la soirée sur Real-FM, un auditeur (libre) en direct sur l'antenne, lança un appel pour que “la Grèce quitte enfin l'UE”. Après la chute de notre (petite et bien piètre) démocratie, ce sont alors les gros mensonges, les mirages et les grands tabous qui trébuchent, sauf pour le Nouvel Observateur qui ne distingue alors que dans l'ancien et ses ombres.  

Spectacle, Athènes février 2014

 

Resistance à la Présidence grecque de l'UE


La presse de la semaine avait déjà fait ses gros titres sur la tristesse des victimes du séisme de Céphalonie et autant sur la dernière menterie d'Antonis Samaras, le prétendu “excédent” dans les comptes grecs, même du côté de Bruxelles on en rigole je crois.

Participant à une émission de France-Inter d'Éric Valmir en direct d'Athènes jeudi 6 février, j'ai remarqué combien certains participants, tel le maire d'Athènes ou l'éditorialiste pro-Troïka Yannis Pretenderis, ont éprouvé tant de peine pour ainsi prétendre à la dure réalité d'une petite façade d'optimisme. “ Il faut un changement radical, un nouvel élan ” dit l'éditorialiste le moins considéré en ce moment au pays, il avait déjà soutenu et avec quelle ferveur la “ voie unique de la Troïka et des reformes ”.

Jeudi soir et entre deux orages place de la Constitution, des mouvements anarchistes manifestaient pour dénoncer la violence et le terrorisme de l'État, tout le monde a remarqué que cette manifestation n'a pas rassemblé grand monde, sauf que les forces de la police autour et au centre-ville ont suffisamment donné l'impression que “notre” régime en place a peur, ou sinon, qu'il ne supporte plus aucune... entrave au bon fonctionnement de la méta-démocratie.  

France-Inter le 6 février, Institut Français d'Athènes

 

Mouvements anarchistes et d'extrême-gauche. Place de la Constitution, le 6 février

 

Après le séisme de Céphalonie, presse du 5 février


Notre temps... enjambe comme jamais dans nos petites histoires depuis bien de décennies. Les journalistes néanmoins avertis et curieux venus des autres pays, auront tout de même remarqué l'énormité de la présence policière dans la ville d'Athènes. Place de la Constitution, un chauffeur de taxi expliqua à un vendeur ambulant que “ même durant la précédente dictature, celle des Colonels, la police ou l'armée ne furent pas déployées de la sorte, alors où va-t-on ?”-   la remarque est fort pertinente, et c'est presque un lieu commun à travers les mentalités du moment.

Le nouvel ordre de l'euro a ainsi instauré chez nous ce nouveau régime répressif du... Démocratisme réellement existant, reposant sur la peur organisée et sur les ruines des liens humains et sociaux et accessoirement, sur celles du système politique, Gauche parlementaire comprise, en dépit des apparences. Car évidemment, le sens très commun qui prévaut chez les nombreux mortels de la crise que nous sommes, n'admet plus le canular, et pour le dire autrement, la propagande ne passe plus. D'où cette méfiance également, envers notre gentille Gauche radicale d'Alexis Tsipras, théoriquement, SYRIZA devrait remporter la grande majorité des cœurs et des esprits, ce n'est pas le cas.  

Expression libre.“Je veux mourir. Ne te presse pas, il y a la queue”. Athènes, février 2014

 

Chansons d'avant, Athènes février 2014


Sur un mur dans un quartier chic d'Athènes, un double slogan inédit exprime alors très... librement un certain état d'esprit et d'humour alors très sombres: “ Je veux mourir. Ne te presse pas, il y a la queue ”. Les badauds du coin auraient appris peut-être davantage sur la dite “crise grecque” en une seule (première) ligne, que les participants les moins avertis au colloque du Nouvel Observateur.

Nos spectacles musicaux s'inspirant des “chansons d'avant” et de leur temps rencontrent l'actualité disons de manière prétendument fortuite, l'affiche du moment voudra que “le jour de Dimanche se lève”, et tout le monde comprendra qu'en Grèce, c'est minuit passé d'une petite heure seulement. Les temps alors changent... ou presque.  



* Photo de couverture: Athènes, février 2014

Notre site