Gaza
Gaza, ou le rappel au réel.
Louis Denghien
Gaza sous les frappes aériennes israéliennes, le 14 novembre : la croisade anti- Bachar du Qatar
perturbée par le retour en force de la question israélo-palestinienne
Jeudi 15 novembre 2012
En reconnaissant la « Coalition nationale » de l'opposition syrienne (opposition de Doha, serait-on tenté d'écrire), la France a adopté une position « immorale ». C'est l'avis du vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal al- Mekdad , qui réagissait ainsi, dans un entretien accordé à l' AFP, à la décision de François Hollande de faire de cette nouvelle mouture du CNS la « seule représentante du peuple syrien ». Immorale car, explique al- Mekdad , « elle autorise l'assassinat de Syriens ». Les Français « soutiennent les meurtriers, les terroristes et encouragent la destruction de la Syrie ».
Et l'on sait que le tandem Hollande/Fabius veut aussi, à toute force et contre d'ailleurs l'avis officiel des États-Unis, armer lesdits meurtriers et terroristes, Fabius devant s'entretenir à ce sujet avec des partenaires européens à qui il va demander d'exclure les « armes défensive s » de l'embargo européen actuellement en vigueur sur les livraisons d'armes à destination de la Syrie. Le ministre français des Affaires étrangères devant en outre recevoir samedi à Paris le chef de la Coalition de Doha, le cheikh Ahmad Moaz al- Khatib , présenté comme religieux modéré mais homme des Frères musulmans syriens et du gouvernement turc, et Georges Sabra, nouveau président « chrétien-alibi » du CNS. On appréciera l'argumentation cauteleuse de Fabius, expliquant ce jeudi sur RTL que la position de la France est « qu'il ne faut pas militariser le conflit », mais qu'il est « inacceptable » que les « zones libérées » syriennes soient bombardées par l'aviation gouvernementale. Fabius reconnait au passage que le « juste équilibre » sur cette question n'est pas facile à trouver. Nous le soupçonnons de vouloir cependant « déséquilibrer » au maximum la situation : Fabius, atlantiste et sioniste conséquent, veut armer les rebelles, pour continuer à affaiblir la Syrie, à défaut de renverser son gouvernement. Qu'il parvienne à le faire de façon significative est une tout autre histoire…
Fayçal al- Mekdad attribue cette position « arrogante » de la France hollandaise à son « passé colonial » dans la région. Peut-être, mais on doit plus sûrement incriminer dans cette affaire la colonisation de la France, de ses élites, par l'Atlantisme et le Sionisme, devenus, depuis au moins le règne de Sarkozy (et sans doute depuis celui de Mitterrand), les « deux mamelles » de la diplomatie française.
Gaza, Damas & Doha
De Paris, allons à présent à Gaza : les dramatiques événements en cours, qui annoncent peut-être un remake israélien de l'opération « Plomb fondu », ont un effet positif indirect. Ils rappellent au Hamas, et au-delà à pas mal de radicaux islamistes sunnites, qu'ils ont un ennemi bien plus fondamental et agressif que la Syrie laïque – ou l'Iran chiite. Et ils placent le Qatar, et avec lui, tous ses cousins du Golfe, devant leurs insolubles contradictions : ces pétro-monarchies ont fait depuis longtemps « profil bas » (c'est le minimum de ce que l'on peut dire sur le sujet) devant Israël, réservant leurs dollars et leurs efforts diplomatiques à la déstabilisation de nations musulmanes et/ou arabes. Le clan qatari al- Thani a pratiquement «racheté » le Hamas et la bande de Gaza pour consolider son front anti-syrien, le mouvement palestinien islamiste rompant progressivement ses liens anciens avec Damas. En quelque sorte, le Qatar avait réalisé une « OPA » sur la résistance palestinienne. Mais voilà que son dernier « investissement » géostratégique est à nouveau menacé par Israël. Et que l'Égypte à direction Frères musulmans rappelle son ambassadeur à Tel-Aviv, saisit le Conseil de sécurité de l'ONU et appelle globalement « à une réponse arabe et internationale rapide pour arrêter le massacre du peuple palestinien assiégé dans la bande de Gaza ».
Comment le Qatar et ses salariés de la Ligue arabe vont-ils répondre à cet appel, sans se fâcher avec leurs amis américains ? Peuvent-ils se contenter de déclarations platoniques, au risque de fâcher cette fois l'Égypte et de décevoir le Hamas, les Palestiniens et pas mal d'Arabes et de musulmans ? Comment vont-ils pouvoir continuer à prêcher et financer leur croisade anti- Bachar si Tsahal passe décidément à l'offensive contre Gaza et le Hamas. Voilà un « double front » difficile à tenir, ce nous semble, notamment en termes de crédibilité. Damas ou Gaza, il va falloir choisir, ou hiérarchiser les objectifs .
Au fond, tous ces émirs et roitelets arabes – assimilons-leur le président turc – faisaient depuis des années comme si Israël n'existait pas. Et depuis l'éclatement de la crise syrienne, ils avaient dépensé toute leur énergie (et certainement des milliards de pétro-dollars ) à persuader le monde arabo-musulman que le problème n°1 de l'Islam et des sociétés arabes, c'était Bachar al- Assad , Hassan Nasrallah et la direction iranienne. Mais le volcan sioniste s'étant malencontreusement réveillé, il va falloir « improviser » un nouveau discours sinon une nouvelle stratégie. Ah, si seulement on pouvait acheter Israël comme le PSG ou les élites politiques françaises !
Publié le 15 novembre 2012 avec l'aimable autorisation d'Info Syrie