« L'euthanazi », par le Professeur Jérôme Lejeune


Paris Match : On recommence à beaucoup parler d'euthanasie. Certains, comme le professeur Minkowski, qui s'en est récemment expliqué ici même, lui sont favorables, à certaines conditions. D'autres, dont vous êtes, lui sont résolument opposés.

Jérôme Lejeune : C'est le moins que l'on puisse dire. Tout d'abord, il faudrait écrire ce mot différemment : "euthanazi", et non pas "euthanasie", car c'est ainsi qu'il s'est imprimé en lettres de sang dans l'Histoire. Je m'explique. Tout a commencé en Allemagne, dans les années trente, avant même que ne s'instaure le pouvoir hitlérien. Des médecins dévoyés se sont mis alors à sacrifier certains patients : cela s'appelait, je crois, le "Grabentod". Au début, l'exemple avait été donné par des psychiatres, qui passaient en jugement des schizophrènes et qui les liquidaient s'ils dépassaient les possibilités du traitement. Puis cette pratique s'est étendue à d'autres malades. Soixante mille malades ont ainsi été exécutés. C'est même pour cela que fut inventée la chambre à gaz. Le nazisme n'avait plus qu'à continuer sur les mêmes traces ! Il est important de comprendre le processus. Il y a eu d'abord une médecine qui n'était pas nazie, mais qui s'est dénaturée en introduisant la notion que l'on peut éliminer ceux que notre art ne sait pas guérir. Puis, quand cette pratique a été acceptée par le public, il devenait tout simple de tuer n'importe qui, pour n'importe quel motif : politique, racial, économique, aucune importance. Car si les médecins commencent à tuer, pourquoi les gouvernants s'en priveraient-ils ?