Drones et réseaux de l'ombre.

La guerre secrète d'Obama.

par Manlio Dinucci

 

La crise économique pousse l'administration Obama à privilégier l'action militaire secrète plutôt que les guerres conventionnelles. Aussi a t-elle développé les «opérations militaires spéciales » à un niveau jamais atteint. Deux axes majeurs ont été choisis : les assassinats par drones, et la saturation des médias par des réseaux d'informateurs fantômes organisés dans les pays à déstabiliser.

Rome (Italie) | 20 juin 2011

 

Tandis que les raids aériens sur la Libye se montent actuellement à un total de 11.500 et que le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, demande aux alliés davantage de dépenses militaires et un plus grand engagement dans la guerre, la guerre se propage dans la région moyen-orientale et nord-africaine en des formes moins visibles mais non moins dangereuses, ouvrant continuellement de nouveaux fronts. La CIA —d'après un fonctionnaire de l'agence étasunienne cité par le New York Times— est en train de construire une base secrète au Moyen-Orient pour lancer des attaques au Yémen avec des drones armés. Ce sont des Predator/Reaper (déjà en action en Afghanistan, Pakistan et Libye), armés de 14 missiles Hellfire et télécommandés depuis une base au Nevada, à plus de 10 000 kilomètres de distance.

 

Depuis qu'il est entré en fonction, « le président Obama a drastiquement augmenté la campagne de bombardement de la CIA au Pakistan, en utilisant des drones armés », ceux-là même qui seront utilisés pour « étendre la guerre au Yémen ». L'administration les considère « comme l'arme préférée pour prendre en chasse et tuer des militants dans des pays où n'est pas praticable une grosse présence militaire américaine ».

 

Au Yémen, est actuellement en action le Commandement suprême conjoint pour les opérations spéciales (UsSoCom), assisté par la CIA et autorisé par le pouvoir exécutif de Sanaa. Mais, étant donnée la « fragilité de ce gouvernement autoritaire », l'administration Obama est préoccupée quant à un futur gouvernement qui ne serait pas en mesure, ou disposé, à soutenir les opérations étasunienes. De ce fait, elle a chargé la CIA de construire la base secrète dans une localité moyen-orientale non identifiée, de façon à entreprendre « des actions secrètes sans l'appui du gouvernement hôte ».

 

Ceci confirme que l'administration Obama est en train d'intensifier la guerre secrète dans toutes ses variantes. Comme le déclare officiellement l'Ussocom, elle comprend : action directe pour détruire des objectifs, éliminer ou capturer des ennemis ; guerre non-conventionnelle conduite par des forces externes, entraînées et organisées par l'Ussocom ; contre-insurrection pour aider des gouvernements alliés à réprimer une rébellion ; opération psychologique pour influencer l'opinion publique étrangère de façon à soutenir les actions militaires étasuniennes. Ces opérations sont menées en se fondant sur des technologies de plus en plus avancées.

 

Entre dans ce cadre la décision de l'administration Obama, rendue publique par le New York Times, de créer à échelle mondiale « des réseaux de l'ombre en matière d'Internet et de téléphonie mobile qui puissent être employés par les dissidents pour contourner la censure gouvernementale ». Le Pentagone et le Département d'État y ont jusqu'à présent investi au moins 50 millions de dollars. Ces réseaux sont réalisés au moyen de petites valises spéciales qui, une fois introduites dans un pays déterminé, permettent de communiquer avec l'étranger via des ordinateurs et téléphones portables, dans des modalités wireless et codées, évitant contrôles et interdits gouvernementaux.

 

La motivation officielle de Washington est de « défendre la liberté de parole et promouvoir la démocratie ».Les réseaux de l'ombre, fournis seulement aux groupes dissidents utiles à la stratégie étasunienne (en Syrie, Iran et quelques autres pays) et contrôlés par Washington, sont les plus adaptés à diffuser dans les media des informations fabriquées, pour des opérations psychologiques qui préparent l'opinion publique à de nouvelles guerres.

 

    « C.I.A. Building Base for Strikes in Yemen », par Mark Mazzetti, The New York Times, 14 juin 2011.

 

Manlio Dinucci

 

Traduction

Marie-Ange Patrizio

 

Source

Il Manifesto (Italie)