Vendredi 01 Août 2014.

Le calvaire silencieux des chrétiens d'Orient.

Par Laurent Dandrieu

La souffrance des chrétiens d'Orient est alourdie par "l' assouridssant silence" de l'Occident, dénoncé par le patriarche chaldéen, Mgr Sako.

Irak. L'un des objectifs du califat qui s'étend sur l'Irak et la Syrie est l'éradication des populations chrétiennes millénaires. Malgré l'émotion de l'opinion, les puissances occidentales restent étrangement passives.

Il n'y a plus de chrétiens à Mossoul. Les quelques familles de confession chrétienne qui y demeurent peut-être encore sont entrées en clandestinité, terrées chez des amis ou voisins musulmans. Lorsque, le 10 juin dernier, les hommes du calife autoproclamé de l'État islamique (EI), Abou Bakr al- Baghdadi , ont conquis la deuxième ville d'Irak, bâtie sur les ruines de l'ancienne ville biblique de Ninive, dans le nord-est du pays, des milliers de chrétiens avaient déserté la ville. Ceux qui avaient choisi de rester sont finalement partis après s'être vu poser par les djihadistes , le 19 juillet, un ultimatum ne leur laissant le choix qu'entre trois possibilités : la conversion à l'islam, le paiement d'un impôt spécial, ou « périr par le glaive » .

Aux hommes qui étaient tentés de payer l'impôt, il fut précisé que cela ne les dispenserait pas d'être enrôlés dans l'armée du califat… « C'est un faux choix : quel chrétien est prêt à porter les armes avec l'État islamique pour aller commettre d'horribles massacres ? » , souligne Faraj Benoît Camurat , président de l'association française Fraternité en Irak. « En réalité, l'intention était de vider Mossoul de ses chrétiens, de la purifier religieusement. Ce processus d'épuration a commencé avant que Mossoul ne tombe aux mains des insurgés. L'EI, dès avril-mai, avait transmis le message aux agents immobiliers qu'il ne fallait plus accepter de vendre les maisons des chrétiens ; et plusieurs, qui avaient passé outre, ont été assassinés… »

Ceux qui ont quitté Mossoul après cet ultimatum ont été méticuleusement rackettés aux portes de la ville — les islamistes avaient même prévu des femmes pour fouiller les femmes. Argent, bijoux, voitures, nourriture : les exilés n'ont rien pu garder. Quelques jours plus tard, le 24 juillet, les islamistes ont fait sauter le tombeau du prophète Jonas, datant du VIIIe siècle avant Jésus-Christ et vénéré tant par les chrétiens que par les musulmans… Quant aux églises de la ville, elles ont été occupées par les islamistes, leurs croix ont été arrachées et plusieurs ont été incendiées.

Les chrétiens ne sont pas les seules cibles de ce fanatisme, les djihadistes sunnites persécutant aussi d'autres minorités, et également les chiites — 200 000 à 300 000 personnes ont fui la ville. Mais, mise à rude épreuve depuis la chute du régime de Saddam Hussein, la communauté chrétienne apparaît particulièrement fragile. Elle comptait un million et demi de fidèles en 2003, elle est réduite aujourd'hui à 400 000 personnes. La situation est devenue dramatique depuis la mise en place de l'État islamique, à cheval sur la Syrie et l'Irak, où la charia est appliquée avec une brutalité inouïe.

Dans les portions de la Syrie qu'il contrôle, les destructions ou incendies d'églises sont monnaie courante. Fin juillet, à Rakka , deux femmes ont été lapidées pour “adultère”. Fin juin, une dizaine de combattants adverses avaient été crucifiés ; en mars, lors de La Nuit des témoins organisée à Paris par Aide à l'Église en détresse (AED), une religieuse syrienne, soeur Raghida al- Khouri , affirmait que le même horrible traitement aurait été réservé à des chrétiens refusant de se convertir à l'islam. D'autres ont été décapités.

L'objectif est le même qu'en Irak : par la violence et la terreur, éradiquer les chrétiens et les autres minorités pour obtenir un territoire religieusement homogène. Au moment de lancer l'offensive contre la ville syrienne de Hassaké , le 17 juin, l'EI a ainsi appelé à « vider la ville de tous les chrétiens : prendre leurs femmes, elles sont vôtres, et décapiter les hommes » .

Face à cette politique d'épuration religieuse, que Mgr Pascal Gollnisch , directeur général de L' OEuvre d'Orient — qui revient de trois jours en Irak à la rencontre des chrétiens, avec Mgr Barbarin —, n'hésite pas à qualifier de « génocidaire », la souffrance des chrétiens d'Orient est encore accrue par l'étrange silence des Occidentaux. Si le pape appelle régulièrement à ne pas se résigner « à penser le Moyen-Orient sans les chrétiens » , si Ban Ki - moon, le secrétaire général de l'Onu, a qualifié les persécutions djihadistes de « crime contre l'humanité », le mutisme des grandes chancelleries est presque total — l'assurance tardive de la France qu'elle serait prête à accueillir des exilés irakiens apparaissant singulièrement courte et à côté de la plaque. Et c'est malgré l'indifférence des médias que le martyre des chrétiens d'Orient a suscité peu à peu en France une réelle émotion populaire, qui s'est notamment exprimée via les réseaux sociaux, où beaucoup ont repris à leur compte le N (pour “Nazaréen”) que les djihadistes ont apposé à Mossoul sur les maisons de chrétiens, pour signifier qu'elles étaient désormais la propriété de l'État islamique.

Dans la foulée de cette émotion, des responsables politiques français ont pris position. Devant Notre-Dame de Paris, le 27 juillet, des centaines de manifestants ont pu entendre Nathalie Kosciusko-Morizet ou Hervé Mariton relayer leur indignation.

Source : Valeurs Actuelles

Notre site